Votée en 2001, la loi Taubira reconnait l’esclavage comme un crime contre l’humanité.

Pour l’ancienne garde des sceaux du gouvernement Ayrault puis Valls, seule une "parole politique courageuse" pourra faire avancer le débat sur la question de la réparation matérielle alors que la réparation "politique et mémorielle" a gagné du terrain en France.

Une loi historique

Christiane Taubira, députée de la Guyane de 1993 à 2021 fait adopter la loi qui porte son nom à l’unanimité du Parlement le 21 mai 2001. Elle tend à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Elle prend en compte les victimes et les responsabilités des crimes commis par l’État. La mémoire de la traite et de l’esclavage fait son entrée dans le récit national. Vingt ans plus tard, la relation à cette période de l'histoire de France continue de d’alimenter le débat. Les différentes polémiques autour de la commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon qui avait rétabli l'esclavage en témoignent.

Une loi qui inscrit l’esclavage au programme scolaire

Le texte de la loi a inscrit l’obligation de concéder "la place conséquente" que la traite négrière mérite dans les programmes scolaires et de recherche. Depuis 2001, l’histoire de l’esclavage est enseignée de manière plus approfondie dans les écoles. La Fondation pour la mémoire de l’esclavage et le Mémorial ACTe, le centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage, ont respectivement été inaugurés à Paris et à Pointe-à-Pitre. Une journée nationale de commémoration des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leur abolition a été fixée au 10 mai.

Quid du dédommagement des victimes de l'esclavage ?

Grâce à ces dispositions, force est de constater que la réparation "politique et mémorielle" avance. En revanche, les descendants des victimes n’ont toujours pas été dédommagés contrairement à l’époque aux propriétaires d’esclaves. L’abolition de l’esclavage en 1848 avait donné lieu aux versements d’indemnités aux maîtres au titre du préjudice économique subi. Dans le cadre du projet "Repairs" du CNRS, une base de données  recense ces sommes. Les 250 000 esclaves affranchis avec le décret d’abolition, eux, n'avaient rien touché. Plus de 170 ans plus tard, il n’en est toujours rien car l’identification des descendants d’esclaves n’est pas simple. En outre, il est extrêmement difficile de fixer des critères d’éligibilité à ces réparations financières, d’imaginer leurs formes et le mode de calcul à retenir. Pour l’ex-ministre de la justice Christiane Taubira, ce débat est interminable parce que le crime en soi est irréparable, que personne ne peut ramener les vies perdues ni rembourser les générations de travail gratuit.

Même les associations ont des points de vue divergents

Au sein des associations et des descendants d’esclaves, toutes ces questions sont au cœur des désaccords. Depuis quelques années, le Conseil représentatif des associations noires de France, le CRAN, multiplie les procédures judiciaires contre l’Etat et les institutions. De son côté, le CM98, Comité de la marche du 23 mai 1998 ainsi que d’autres associations de descendants d’esclaves estiment que les souffrances endurées par leurs ancêtres ne sont pas monnayables. Dans la classe politique, beaucoup s’en tiennent aux propos Aimé Césaire. Le célèbre poète martiniquais affirmait qu’il n’y a pas de réparation possible pour quelque chose d’irréparable et qui n’est pas quantifiable.